En Irak, les drones volent bas

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S’il est une région du monde où l’on est certain de ne jamais s’ennuyer, c’est bien le Moyen-Orient… Entre terrorisme, guerres civiles, conflits ouverts ou larvés entre Etats, massacres, conflits entre ceux qui souhaitent adhérer à la modernité et d’autres qui veulent rester ancrés dans un passé de grandeur et de pureté souvent fantasmé, l’animation y est assurée 365 jours par an.

Dernier épisode en date, que l’on pourrait croire sorti d’un James Bond ou d’un roman de Tom Clancy, la tentative d’assassinat au drone explosif, dimanche matin, du premier ministre irakien Moustapha al-Kazemi.

Vers 1 heure du matin dimanche, donc, trois drones avaient été lancés depuis le centre de Bagdad vers la résidence du dirigeant irakien, située dans l’ultra protégée « Zone Verte » de la capitale où se trouvent également plusieurs ambassades et sièges d’organisations internationales ou de ministères importants.

Moustapha al-Kazemi n’a même pas été touché mais trois de ses gardes du corps ont été blessés.

Cette attaque qui survient un an et demi après sa nomination se produit dans un contexte extrêmement tendu. Il y a un mois, les partis représentant les milieux chiites pro-iraniens ont connu une sévère défaite aux législatives.

Or, al-Kazemi est l’ennemi juré de ces milicesAvocat, journaliste, opposant historique à Saddam Hussein, chef des services de renseignement irakiens en 2016, il tente farouchement de limiter l’influence iranienne sur son pays.

Pour Téhéran, bien entendu, c’est inacceptable.

Or il faut comprendre deux choses : pour l’Iran des Mollah, le contrôle de l’Irak est indispensable parce qu’il offre une continuité territoriale – et donc une profondeur stratégique et des possibilités de projection de forces – au régime en établissant un continuum territorial entre l’Iran, l’Irak, la Syrie et le Liban, bref ce que l’on appelle « l’arc chiite ».

Deuxième donnée essentielle : un parti politique irakien ne ressemble pas vraiment à un parti politique européen puisqu’il s’agit en général d’une organisation idéologique mais qui s’appuie sur un bras armé, une milice. Le parti agira donc dans l’enceinte du parlement mais également dans la rue. Et, s’il le faut, par les armes. 

al-Kazemi, lui est un homme presque seul. Il n’a pas de parti politique et peu de soutien parlementaire. Mais il a l’appui des pays du Golfe, des États-Unis et de la France. Ce qui ne le rend pas spécialement populaire aux yeux de la faction pro-iranienne, précisons-le.

Selon plusieurs sources irakiennes, le crime de dimanche est signé :  les explosifs et les drones utilisés, nous dit-on, avaient été fabriqués en Iran.

Mais l’échec de ce complot n’est sans doute qu’un répit de courte durée pour Monsieur al-Kazemi. Pour le moment les forces de sécurité et l’armée soutiennent son gouvernement et la légalité. Mais si elles flanchent, ou si, au contraire, leur réaction trop brutale provoque un bain de sang, Moustapha al-Kazemi sera balayé et l’on se retrouvera avec un pouvoir irakien verrouillé par Téhéran et hostile à toute influence occidentale. Une sorte de scénario « à l’afghane » qui compliquerait encore un peu plus les choses dans l’une zone particulièrement explosive mais qui est aussi particulièrement importante pour l’Occident puisque l’essentiel de nos fournitures gazières et pétrolières proviennent de cette heureuse région.  

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